Traitement des boues en station d’épuration :
Le principal objectif du traitement des boues en station d’épuration est d’en réduire le volume pour limiter les quantités à stocker (voire à épandre), et de les stabiliser pour en améliorer les caractéristiques physiques (amélioration de leur tenue en tas) et arrêter la biodégradation dont elles sont le lieu. En effet, leur forte teneur en eau (99 %) et les fortes populations bactériennes qui s’y retrouvent en font un bouillon de culture favorable à la dégradation de la matière organique fraiche et très fermentescible qu’elles contiennent, avec production de mauvaises odeurs. Outre la teneur en éléments-traces (liée à la présence de matières minérales dissoutes ou insolubles), la siccité est un paramètre fondamental de la caractéristique des boues : elle s’exprime en tonnages de Matière Sèche (MS).
L’Epaississement
Il s’agit de la première étape de traitement des boues, qui s’opère en général avant le mélange des boues issues des différentes étapes d’épuration des eaux usées (boues primaires, secondaires, et éventuellement tertiaires). Cette étape peut être précédée de l’ajout de floculants organiques de synthèse (polyélectrolytes) ou minéraux (chaux, sels de fer ou d’aluminium), afin de faciliter la séparation des phases solide et liquide des boues.
L’épaississement consiste à laisser s’écouler les boues par gravitation à travers un silo placé au-dessus d’une table d’égouttage ou d’une toile semi-perméable. Autre technique de concentration : la flottation, basée sur l’injection de gaz dans les boues, ce qui sépare les phases liquides et solides par différence de densité. En sortie, les boues sont encore liquides avec une siccité de 4 à 6 %.
La déshydratation
La déshydratation permet de diminuer la teneur en eau des boues, et d’atteindre en sortie une siccité allant de 15 à 40%, variable selon la filière de traitement des eaux, la nature des boues et la technique de déshydratation utilisée. Elle s’opère sur un mélange de boues primaire, secondaire voire tertiaire.
• La déshydratation mécanique
Elle s’opère par centrifugation ou par filtration.
La centrifugation consiste à séparer l’eau des boues épaissies par la force centrifuge développée dans un cylindre tournant à grande vitesse. En sortie, les boues sont pâteuses avec une siccité de 18 à 20 % pour la première génération d’équipements, et de 20 à 25 % de siccité pour la seconde. Pendant longtemps, cette technique a surtout concerné les stations de plus de 10.000 EH ; aujourd’hui des solutions existent pour les plus petites.
La filtration par filtres à bandes consiste en une compression et un cisaillement des boues entre deux toiles. Les premiers modèles (à basse et moyenne pression) ne permettaient d’atteindre que 15 à 17% de siccité. Les modèles plus récents (à haute pression) permettent d’atteindre jusqu’à 18 à 20%. En sortie, les boues se présentent sous forme de petites plaques.
La filtration par filtres-presses à plateaux (appelés couramment filtres-presses) consiste en une compression des boues entre deux plateaux équipés de toiles filtrantes. En sortie, les boues se présentent sous forme de « gâteaux » solides avec une siccité de l’ordre de 30 à 35 %.
Si la centrifugation permet une déshydratation continue en circuit fermé (automatisé), avec les filtres-presses elle est discontinue. Avec les filtres à bande, elle se déroule en circuits ouverts (avec production d’aérosols, composés d’air et d’eau), ce qui oblige souvent à capoter les équipements pour éviter la dispersion de mauvaises odeurs.
La déshydratation mécanique concerne surtout les grosses stations (plusieurs dizaines ou centaines de milliers d’EH). Depuis récemment, elle se développe dans les moyennes installations (de 3.000 à 10.000 EH). Dans les très grosses, il s’agit le plus souvent de filtres-presse (car plus coûteux en investissement et en exploitation), et dans les petites (1000 à 2000 EH) de filtres à bandes. Les filtres à bandes seraient encore les matériels les plus utilisés pour la déshydratation, les centrifugeuses les plus vendues sur le marché actuel.
• La déshydratation par géomembranes
Cette technique de déshydratation est apparue récemment, avec le développement des membranes. Les boues sont mises dans des géotubes aux pores minuscules, qui laissent passer l’eau petit à petit et concentrent les matières. Une fois pleins, ces géotubes contiennent des boues déshydratées jusqu’à 15 à 25% de siccité. Ils sont alors soit ouverts et les boues expédiées vers une autre destination, soit transportés tels quels pour un enfouissement en CET de classe II. Cette solution serait adaptée aux installations de 1.000 à 2.000 EH.
Le séchage
Le séchage des boues est une déshydratation quasi-totale des boues par évaporation de l’eau qu’elles contiennent ; la réduction de volume qui en résulte est conséquente.
• Le séchage thermique
Il repose sur deux méthodes : directe et indirecte. Le séchage direct consiste en une évaporation des boues par convection, via un fluide caloporteur. Le séchage indirect repose quant à lui en un échange de chaleur par conduction, via une paroi chauffée par un fluide caloporteur. En sortie, les boues se présentent sous forme de poudres ou de granulés, avec un taux de siccité pouvant atteindre 90 à 95 %. Ces deux procédés sont très énergivores : ils représentent un poste sur lequel il est possible de réduire l’empreinte environnementale de la filière boue, par exemple en mettant en place des boucles de récupération d’énergie.
• Les lits de séchage
Ce procédé consiste à répartir les boues à déshydrater sur une surface drainante (composée de plusieurs couches de gravier et de sable de granulométries variables), à travers laquelle s’écoule l’eau interstitielle. Ces lits de séchages sous mis sous serre pour non seulement tirer partie du phénomène d’évaporation naturelle, mais l’accélérer par les rayons du soleil. On parle alors de séchage solaire. Une autre variante de ce procédé consiste à mettre les lits de séchage sous couvert végétal (roseaux), ce qui permet de s’affranchir des conditions climatiques. Ce procédé est appelé lits à macrophytes. En sortie des lits de séchage, les boues sont solides, d’une siccité d’environ 35 à 40 %. Ce procédé de séchage présente l’intérêt d’être en plus une solution de stockage des boues. Il est particulièrement bien adapté aux stations d’épuration des collectivités de moins de 5.000 EH.
Stabiliser la matière organique
Cela consiste à diminuer le caractère fermentescible des boues et ainsi, notamment, de supprimer les mauvaises odeurs. Les traitements de stabilisation des boues s’appliquent aux boues mixtes fraîches ou uniquement aux boues de traitement secondaire des eaux usées. Ils sont de nature biologique, chimique ou thermique.
• La stabilisation biologique
Elle s’opère selon deux voies biologiques possibles : aérobie (en présence d’oxygène) et anaérobie (en l’absence d’oxygène).
La stabilisation aérobie consiste à mettre les boues dans des bassins d’aération dits aussi bassins de stabilisation aérobie. En sortie, les boues sont dites « aérobies » ou « stabilisées aérobies ». Le compostage est un mode de stabilisation aérobie des boues, le plus souvent après déshydratation. Il s’agit souvent d’un traitement de stabilisation biologique complémentaire, destiné à la fabrication d’un produit : le compost. Cependant, il constitue le seul mode de stabilisation des boues primaires et secondaires issues d’un traitement physico-chimique des eaux usées.
La stabilisation anaérobie concerne surtout les installations de plus de 100.000 EH. Elle consiste à mettre dans des digesteurs les boues directement issues de la décantation primaire de la filière de traitement des eaux usées, et à les porter à haute température (de 50 à plus de 100°C) afin d’en éliminer bactéries et virus. Stabilisées avec 30 à 60 % de quantités de matière organique en moins, en sortie les boues sont dites « anaérobies », « stabilisées anaérobies » ou « digérées ». Elles présentent une siccité pouvant aller au-delà de 20 à 30 %. Ces procédés de digestion anaérobie, appelés aussi méthanisation, s’accompagnent de la production de biogaz riche en méthane (65%) et en dioxyde de carbone (35%), avec des concentrations faibles d’hydrogène sulfuré saturé en eau. La récupération et la valorisation de ce biogaz (sous forme de chaleur, d’électricité, de combustible ou de carburant) représente un des postes permettant de réduire l’empreinte environnementale de la filière boue.
• La stabilisation chimique
La stabilisation chimique consiste à bloquer l’activité biologique des boues en y mélangeant de la chaux vive, CaO, ou de la chaux éteinte, Ca(OH2). Les doses de chaux sont calculées en fonction des siccités initiale et finale des boues, dans une proportion de 10 à 50 % de la MS des boues, ce qui en élève le pH au-delà de 12. En général, cette stabilisation s’opère après déshydratation des boues. En sortie, les boues sont dites hygiénisées. Cette pratique concerne en général des stations d’épuration de plus de 15.000 EH.
Parfois, la stabilisation chimique s’opère avec ajout de nitrites à pH acide.